Formica du groupe rubarbis des Pyrénées orientales

Section où le professeur Henri Cagniant lance les sujets de discussions de son choix.
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Henri Cagniant
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Enregistré le : mar. 13 mai 2008 10:44

Formica du groupe rubarbis des Pyrénées orientales

Message par Henri Cagniant »

Grâce au dévouement à la cause myrmécologique de notre ami Claude Lebas, je suis en mesure de présenter quelques données supplémentaires concernant les Formica du groupe rufibarbis des Pyrénées orientales (dep. 66).
On se souvient que Christophe Galkowski (2009) avait pensé reconnaître Formica lusatica sur un échantillon récolté près de Font-Romeu. Seifert et Schutlz (2009) synonymisent lusatica avec F. clara Forel, laquelle présente, selon les auteurs, une très vaste répartition en Eurasie et au Moyen Orient.
Rappelons aussi que selon Seifert (1997), F. clara (alors nommée lusatica) serait une forme xérophile des landes sablonneuses en Allemagne. Ses paramètres sont (pour leur signification, voir ma communication précédente):
CL = 1220 - 1918; CW = 1028 - 1803; nPNt = 0 à 35 (moyenne: 10,8).
Pour la différencier de rufibarbis il annonce pour celle-ci: CL = 1094 - 1882; CW = 952 - 1752; nPNt = 5 à 60 (moyenne: 25,0).
Equation de la fonction discriminante: nPNt = 0,0328 CW - 27,8.
Graphique biométrique SCL/CW en fonction de CL pour les 2 espèces.

Nouveaux échantillons récoltés par C. Lebas

1- Serdynia (66), pelouse à 1600 m. Ouvrières, 2 reines; juillet 2010.
2- Borquère (66), vers 1700m. C'est la station où Christophe avait réalisé son prélèvement en juin 1999. Il avait trouvé les Formica attribuées à lusatica en bordure d'une petite tourbière. Claude les a retrouvées en bordure de la route, les bords de la tourbière étant à présent envahis par d'autres Formica. Juillet 2011. Ouvrières de 3 nids et 1 gyne ailée.

Méthode et abréviations
Voir ma précédente communication.

Mesures et résultats

1- Serdynia
Ouvrières n = 76.
CL: valeurs extrêmes = 1298 à 1809; moyenne = 1578,1; écart-type = 1,163.
CW: 1120 à 1680; moy. = 1416,3; éc-type = 1,269
régression: CL = 0882 CW + 332,6
r = 0,964
CS: 1200 à 1744
SCL: 1362 à 1806; moy. = 1573,5; éc.type = 1,258
SCL = 0,840 CW + 383,8
r = 0,950
Pilosité: nPNu = 4 à 17; moy. = 9,76; éc. type = 2,589
nPNu = 0,0131 CW - 8,779
r = 0,654
Pour CW autour de 1300, nPNu varie de 6 à 13 poils; la valeur calculée pour CW = 1300 est 8,25.
Pour tout l'échantillon et en applicant le critère discriminant de Seifert, 42 individus seraient rufibarbis, 27 clara et 7 "à la limite".

Reines:
CL: 1765 - 1767; SCL = 1953 - 2116; 16 à 18 poils sur le pronotum, 0 au propodeum, 2 -3 sur l'écaille. Pigmentation sombre du mesonotum sur environ 80%.

2- Borquère
Ouvrières; n = 125.
CL: 1251 - 1803; moy. = 1499,4; éc. type = 0,928.
CW: 1086 - 1626; moy. = 1364,8; éc. type = 0,925
CL = 0,975 CW + 177,9
r = 0,962.
CS = 1168 à 1729
SCL: 1262 - 1730; moy = 1497,0; éc. type = 0,691
SCL = 0,786 CW + 424,3
r = 0,957.
nPNu: 2 à 22; moy = 6,80; éc. type = 1,051
nPNu = 0,0128 CW - 10,713. Note: Cette équation est très voisine de celle présentée par Christophe (nPNt = 0,0256 CW - 21,43) mais comme la sienne était calculée à partir du nombre total de poils (nPNt), les coefficients sont à multiplier par 2.
Pour CW autour de 1300, nPNu varie de 4 à 8; la valeur calculée est de: 5,93.
Dans l'échantillon, 27 individus seraient rufibarbis, 92 clara et 6 "à la limite". Les individus clara ont également une pilosité réduite sur le mesonotum et l'écaille, conformément aux critères de l'espèce.

Reine
CW = 1822; SCl = 1564; 16 poils sur le pronotum, 0 sur le propodeum et 2 sur l'écaille. Pigmentation sombre sur le mesonotum: 40%.

3- J'avais récolté un petit échantillon (n = 12) au col du Puymorens (66) vers 1750 m, juillet 2007. Il semble présenter les mêmes caractéristiques que celui de Serdynia.

4- Ouvrières (n = 7) du Gard (Wegnez leg.). CW = 1206 - 1425; nPNu = 6 à 10 poils soit moins qu'à Rochepaule pour les mêmes dimensions de CW (valeurs prévues: 8,2 à 11,8). Mais ce sont peut être des individus âgés, du "service extérieur".

Discussion

L'échantillon de Borquère par sa pilosité, pourrait être attribué à F. clara (fig. 2). Cependant, lorsque l'on considère le graphique (fig. 1) on constate que les scapes sont nettement plus courts que chez cette espèce. L'échantillon de Serdynia se placerait entre Borquère et Noé.
Les grandes ouvrières rouges caractéristiques de F. clara manquent à Borquère et à Serdynia; les prélèvements sont pourtant importants en individus, surtout dans le 1er cas. On doit aussi tenir compte de la présence possible d'ouvrières âgées, ayant perdu des soies et occasionnant un biais. Il y a cependant dans le lot Borquère, quelques néonates avec peu de poils; la faible pilosité chez la majorité des ouvrières est donc bien une caractéristique de la population de cette station.
Les reines présentent des caractères pouivant faire penser à F. clara (voir Seifert, 1996 : 216); clara est alors nommée glauca); mais les petites reines F. rufibarbis de Rochepaule et Noé n'en sont pas différentes.
graphique (2).jpg
Figure 1: SCL/CW en fonction de CL chez F. clara d'Allemagne, F. rufibarbis de Noé et l'échantillon de Borquère.
stations (2).jpg
Figure 2: nPNu calculé pour CW = 1300 dans différentes stations et à la valeur théorique chez F. clara.

Conclusion
Il existe bien dans les Pyrénées Orientales et en altitude, une population particulière de Formica du groupe rufibarbis qui se démarque des autres échantillons et se caractérise par une pilosité moyenne moins abondante et des scapes assez brefs. Est-elle appparentée à F. clara ou à F. rufibarbis au sens strict?
Dans le premier cas, on aurait là un isolat (autrement dit, une sous-espèce nouvelle). Ce serait bien sûr l'éventualité la plus excitante, avec F. clara ssp relictuel et des formes plus ou moins hybridées (Serdynia) jusque dans la plaine du Roussillon (Canohès).
En vertu du principe de parcimonie et des réserves exprimées plus haut, on peut aussi voir à Borquère une forme locale de F. rufibarbis à pilosité réduite, les autres échantillons présentant des formes intermédiares, via celui du Gard, avec les rufibarbis classiques de Rochepaule et Noé. On a noté que les caractères de pilosité sont instables (certains individus pouvant être attibué à clara, d'autres à rufibarbis dans un même prélèvement); une instabilité des caractères est typique des populations marginales d'une espèce.
Enfin, proposition un peu "hérétique": la pilosité n'est pas un caractère très fiable dans le cas qui nous préoccupe!
Je propose donc de désigner cet ensemble par "Formica du groupe rufibarbis, population des P.O." en attendant que des études comparatives utilisant les techniques moléculaires ou biochimiques permettent d'y voir plus clair.
Les limites de cette entité restent d'ailleurs à préciser. J'ai reçu des spécimens d'Auzat (Ariège, 1100m) et des Hautes Pyrénées (Pierre St Martin, 1300m) mais à l'époque (2008), je n'ai pas pris note du détail de leur pilosité. Je n'ai pas de données pour la montagne de Haute Garonne (région de Luchon par ex.). En contre partie, F. rufibarbis s.s. existe dans les Pyrénées atlantiques (Ossau, 1700 m; Galkowski, 2009).

Publications citées:

Galkowski C., 2009 - Formica lusatica Seifert, 1997, une nouvelle espèce de fourmi pour la France. R.A.R.E 28: 1- 5.
Seifert B., 1996 - Ameisen; beobachten, bestimmen. Naturbuch -Verlag, Augsburg. 352 pp.
Seifert B., 1997 - Formica lusatica n.sp. - a sympatric sibling species of Formica cunicularia and Formica rufibarbis (H.F.). Abhandlungen und Berichte des Naturkundemuseums Görlitz 69: 3 - 16.
Seifert B. & R. Scultz, 2009 - A taxonomic revision of the Formica rufibarbis FABRICIUS, 1793 group (H.F.). Myrmecological News 12: 255 - 272.
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