Mise au point à propos de T. exilis (part.1)

Section où le professeur Henri Cagniant lance les sujets de discussions de son choix.
Répondre
Henri Cagniant
Messages : 223
Enregistré le : mar. 13 mai 2008 10:44

Mise au point à propos de T. exilis (part.1)

Message par Henri Cagniant »

Grâce à l'amabilité de Mr B. Merz et Mr B. Landry, conservateurs de la Collection Forel à Genève et à celle de Mr D. Burckhardt de Bâle pour la Collection Santschi, j'ai pu consulter les types des diverses formes rattachées à T. exilis. D'autre part, je possède 1 échantillon d'Italie envoyé jadis par mon ami C. Baroni Urbani et un autre communiqué par J.P. Suzzoni; le Professeur A. Buschinger a eu la gentillesse de m'envoyer des exemplaires de Calabre. Je dispose aussi des envois de C. Collingwood, L. Plateaux, A. Lenoir, J. Casewitz-Weulersse, C. Lebas, R. Blatrix et J.L. Marrou. Que tous soient remerciés.

abréviations utilisées:
Lco: longueur du corps; Lte: long. tête; lat: largeur tête au niveau des yeux; Lsc: long. scape; ind. ép. : indice des épines "de Buschinger"; hpe: hauteur pétiole; Lpe: long. pétiole (mesurée de profil); lpe: larg. pétiole; lpp: larg. post pétiole.
Mesures réalisées selon la méthode habituelle (voir autres communications); précision : +- 0,005 mm. m: moyenne des mesures considérées

Les fourmis de T. exilis et de son espèce-soeur d'Afrique du nord T. obscurior (ces noms pris "au sens large", c'est à dire en incluant leurs diverses populations) ont été trouvées à basse altitude, en faciès littoral (plus haut en Corse). Elles nidifient dans les tiges creuses, dans le sable, les talus, entre les racines des arbres.

Les anciens auteurs ont décrit plusieurs "variétés" autour de l'espèce exilis, que Baroni Urbani (1971b) a toutes mises en synonymies. Je suis en accord avec cet auteur, du moins en ce qui concerne les formes européennes. Comme dit ci-dessus, j'ai pu consulter les "types" de ces formes répertoriées, avec en complément des échantillons d'Italie, Corse, Languedoc-Roussillon et Espagne.

Temnothorax exilis exilis (Emery, 1869)
Le type est de Portici près de Naples; j'ai 2 ouvrières et 1 mâle de Caserta (6/8/1969; Suzzoni leg.), qui peuvent être considérés comme des topotypes.
Italie moyenne, jusqu'au nord de la Calabre.
L'ouvrière correspond tout à fait à la description originale (voir copie in Baroni Urbani, 1971a: 106-107). En voici une reprise:
Mesures sur les individus de Caserta:
Ouvrières: Lco: 2,45 - 2,87 mm. Lte: 0,646 - 0,689; lat: 0,579 - 0,620; Lsc: 0,487 - 0,533; lpe: 0,138 - 0,147; hpe: 0,193 - 0,202; Lpe: 0,248 - 0,266; lpp: 0,184 - 0,193.
Lte/lat = 1,11 - 1,12; Lsc/lat = 0,84 - 0,86; indép = 1,15 - 1,25; hpe/Lpe = 0,76 - 0,77; lpp/lpe = 1,31 - 1,33.

Tête brun roux foncé, tronc presque jaune au pronotum, devenant brun roux plus en arrière; pétioles et gastre comme la tête, le premier tergite très faiblement éclairci devant; appendices roux plus ou moins mâculés de brun clair, massues brun rougeâtre.
La tête est luisante, faiblement ridulée autour des yeux et sur le front dont le milieu devient lisse ; une faible réticulation apparaît sur la joue (entre la mandibule et l'oeil). Tronc superficiellement réticulé, devenant quasi lisse au centre du pro et du mesonotum; des ébauches de rides ne se distinguent que sur les flancs et en particulier les côtés du propodeum. Pas de sillon. Epines courtes, redressées et écartées. Pétioles portant une réticulation superficielle serrée; le post pétiole est cylindrique vu de dessus, peu plus large que le pétiole. Celui-ci est bien concave devant (mais pas aussi longuement que chez T. niger); l'angle antéro-supérieur est d'à peu près 90°, un peu arrondi; la face supéro-postérieure, soulignée d'une fine carène est un peu bombée et inclinée vers l'arrière, retombant ensuite en pente douce jusqu'à la jonction avec le postpétiole (voir figure d'Emery, 1869, planche1). Le gastre est lisse, très luisant.

Mâle: Lco: 2,53 mm.
Tête brun sombre, le reste brun roux foncé, appendices jaunes, ailes hyalines. La tête est très finement et densément réticulée, mate; yeux et ocelles bien développés.Tronc, pétiole et gastre lisses et luisants; les sillons de Mayr sont très nets sur le scutum; le propodeum tombe obliquement en arrière, caréné en long mais sans former d'épines. Pétiole et postpétiole sont arrondis en vue de profil, hpe/Lpe = 0,61.
Genitalia: remarquables par la conformation des valves moyennes et internes; cette conformation se retrouve chez plusieurs espèces (voir plus loin).
valve moyenne: le digitus est long, mince, mais un peu en massue, recourbé comme un crochet; le cuspis large, en lobe.
Valve interne: rictus profond et beccus en forte pointe.
J'ai malheureusement endommagé ce mâle qui était très sec et monté despuis des années, pour en extraire les genitalia!

T. exilis leviceps (Emery, 1898)
Leptothorax tuberum leviceps Emery, 1898
Leptothorax leviceps Collingwood, 1978

Le type est de Bologne. Examinés: 1 ouvrière cotype de Bologne; 2 ouvrières, 1 reine et un mâle cotypes de Sirolo (Marches; près d'Ancône), Baroni Urbani leg.; cet auteur redéfinit l'espèce L. exilis sur cette série (1971b).
2 ouvrières de Rimini (Emilie).
Italie du nord; les populations de la côte occidentale de l'Adriatique: île de Krk (Veglia) et de Croacie semblent devoir se rattacher à cette forme.
Ouvrières: Comme la précédente, mais la tête est encore plus lisse, sans trace de rides sur les 2/3 postérieurs où l'on ne voit que les foveae piligères. La coloration peut être aussi un peu plus jaune (exemplaire de Bologne, peut être décoloré par le temps); massue rembrunie. Le pétiole est plus triangulaire, avec un angle assez marqué de 90° tandis que la face postérieure, cerclée d'une fine carène, descend en courbe régulière vers l'arrière.
Lco: 2,10- 2,22 mm; Lte : 0,517 - 0,636; lat: 0,438 - 0,542; Lsc:0,364 - 0,461; lpe: 0,119 - 0,132; hpe: 0,175 - 0,180; Lpe: 0,221 - 0,234; lpp: 0,156 - 0,173.
Lte/lat = 1,16 - 1,20; Lsc/lat = 0,83 - 0,87; indép = 1,10 - 1,30; hpe/Lpe = 0,76 - 0,78; lpp/lpe = 1,30 - 1,39.

Reine: Lco: 3,90 mm.
Brun rouge en entier, un peu éclaircie sur le devant du scutum; appendices comme l'ouvrière. La tête porte quelques rides peu marquées au niveau des arêtes frontales et autour des yeux. Scutum finement striolé en long sur les côtés, l'avant et le milieu lisses; scutellum lisse. Sur les flancs les rides s'individualisent nettement de la réticulation. Pétioles réticulés. Le noeud pétiolaire est quasi triangulaire, sa face postérieure tombe droit en arrière, sans faire de "marche d'escalier". Postpétiole peu plus large que le pétiole (lpp/lpe= 1,27); épines petites (indép = 1,43), triangulaires.

Mâle: Lco : 2,49 mm.
Similaire au précédent, y compris les pièces génitales mais à la valve interne, le beccus est un petit peu moins développé.

Figures: Voir Baroni Urbani (1971b): 1045-1048; le pétiole de l'ouvrière devrait être un peu plus convexe sur sa face postérieure. Pour les genitalia (pp 1049 et 1050), le beccus est nettement trop court et le rictus trop anguleux, du moins si je me réfère à celui de mon exemplaire qui proviendrait pourtant de la même série (Sirolo); cette conformation de la valve interne rappelle ce que l'on voit chez T. nigritus ou T. oraniensis dont les ouvrières ont par ailleurs une morphologie bien différente de celle d'exilis (variation individuelle ? reine mère hybridée ?); CBU indique que l'échantillon qui lui a servi pour sa diagnose provient de la Collection Emery (CE, p. 1046); il y a peut être eu un mélange de provenances à ce niveau (voir remarques part.2).

T. exils ruficornis (Emery,1914)
L. tuberum exilis var. ruficornis Emery, 1898.

1 ouvrière cotype "Südfrankreich"; 1 ouvrière d'Hyères et 1 de l'Esterel (83).
Tête lisse, une plage devenant lisse sur le pro, le mesonotum et le sommet du pétiole; réticulation superficielle. Le corps est brun rougeêtre, la massue non rembrunie, elle devient seulement un peu plus roussâtre; fémurs brun roux.
Mesures sur 2 indivividus (le cotype trop mal placé pour être mesuré): Lco: 1,97 - 2,12 mm; Lte: 0,602 - 0,606; lat: 0,505 - 0,642; Lsc: 0,432 - 0,460; lpe: 0,129 - 0,131; hpe: 0,175 - 0,182; Lpe: 0,223 -0,230; lpp: 0,152 - 0,171.
Lte/lat = 1,19 ; Lsc/lat = 0,85; indép = 1,12 - 1,27; lpe/Lpe = 0,77 - 0,78; lpe/lpp = 1,18 - 1,24.

Ces 2 ouvrières sont les seules dont je dispose de l'est du Rhône; il faudrait des échantillons des Maures et de la Côte d'Azur pour être mieux documenté sur cette population. A rechercher activement!.
Emery (1898:135) signale cette forme de l'île de Pantelleria (canal de Sicile); probablement une convergence de couleur avec autre chose.

T. exilis dichroa( Emery, 1916)

L. tuberum exilis var. dichroa Emery, 1905

Décrite de l'île de Giglio (Archipel Toscan); examiné 2 ouvrières cotypes de l'île d'Elbe.
Tête brun roux, tronc jaunâtre, gastre brun clair avec une nette macule jaune à sa base; massue rembrunie ainsi que les fémurs. La tête est lisse, presque sans ridules sur les côtés. Pétiole comme celui de leviceps.

T. exilis specularis (Emery, 1916)
L. tuberum exilis var. specularis Emery, 1898
L. exilis 11 chromosomes Fischer, 1987
Le type est d'Italie "méridionale"; examinés: 1 ouvrière cotype de Calabre; topotypes de Sambiase (à l'ouest de Catanzaro): ouvrières, mâles, reines, Buschinger leg.
Cette forme a été citée de nombreuses localités lorsqu'il s'agissait d'individus sombres, ce qui est en contradiction avec l'option populationnelle suivie ici.

ouvrière (n=14): Lco: 1,66 - 3,14 mm. Lte: 0,597 - 0,744, m = 0,693; lat: 0,533 - 0,662, m = 0,608; Lsc: 0,432 - 0,579, m = 0,519; lpe: 0,126 - 0,192; hpe: 0,175 - 0,239; Lpe: 0,220 - 0,331; lpp: 0,165 - 0,261.
Lte/lat = 1,14 - 1,27, m = 1,192; Lsc/lat = 0,81 - 0,89, m = 0,854; indép = 1,08 - 1,28, m =1,140; hpe/Lpe = 0,70 - 0,80, m = 0,750; lpp/lpe = 1,19 - 1,36, m = 1,291.
Coloration un peu plus sombres qu'exilis en général, bien que variables dans l'échantillon; la massue et les fémurs sont nettement rembrunis. Le milieu du front et l'occiput sont lisses ainsi que le pronotum, les épines triangulaires. Le pétiole a le même profil que chez leviceps, avec une face dorsale qui descend en courbe vers l'arrière.

Reine (n= 3): Lco: 4,20 - 4,51 mm.
Tête, tronc et pétioles brun noir, gastre brun rougeâtre. Appendices jaunes, massue et fémur rembrunis. Tête finement ridée en long, les rides s'écartant et s'atténuant vers l'occiput; scutum finement ridé en long dans sa partie médiane, les bords sont lisses. Flancs, propodeum et noeuds ridés en mailles peu distinctes. Epines petites (indép = 1,24 - 1,36). Pétole formant un angle mousse d'environ 110°, la face dorsale tombe en léger arrondi.

Mâle (n=5): Lco = 2,49 - 3,15 mm.
La tête est brun foncé, tronc et pétiole brun rougeâtre, postpétiole et gastre brun jaunâtre. Appendices fauves, la massue un peu plus assombrie. Même aspect général que chez exilis exilis mais la réticulation est mieux marquée; scutum plus ou moins réticulé sur une bonne part de la moitié antérieure si bien que les sillons de Mayr deviennent moins distincts; scutellum lisse ou avec une ébauche de réticulation à sa bordure avant. Flancs en grande partie, propodeum et pétioles réticulés.
Genitalia: valve moyenne: digitus en long crochet, un peu plus épais que chez exilis.
Valve interne: rictus plus creusé, beccus encore plus marqué.

Forme à 17 chromosomes
L. exilis v. specularis Fischer, 1987
Sambiase (Calabre); un échantillon (Buschinger leg.). Fischer et Buschinger ont découvert cette forme lors d'une étude des variations chromosomiques chez les Temnothorax méditerranéens. Tous les autres échantillons exilis de provemances diverses avaient n=11 chromosomes. La forme à 17 n'a été trouvée que dans 2 colonies de la région de Sambiase.
Cette forme se distingue du specularis par une taille en moyenne plus grande, une couleur foncée chez toutes les ouvrières et chez les ailés. L'ornementation tend a devenir plus accusée, en particulier chez les plus grandes ouvrières qui présentent quelques rides sur le front; leur pétiole est plus anguleux, avec en arrière une "marche d'escalier" oblique. Les genitalia des mâles sont identiques à celles de specularis.
Lco ouvrières: 2,80 - 3,50 mm; reines: 4,00 - 4,75 mm; mâles: 3,00 - 3,25 mm.
Il apparaît ainsi qu'une mutation chromosomique est survenue dans la population calabraise d'exilis specularis; simple polymorphisme ou voie vers une nouvelle espèce? Il serait interessant de procéder à des expériences d'hybridation dans cette population.

Autres populations

Population de Sicile: L. exilis obscurior Forel par Emery, 1914; probablement une confusion avec specularis (voir aussi l'article sur T. laestrygon). Baroni Urbani dans son travail sur la myrmécofaune sicilienne (1964) ne signale aucun représentant d' exilis.
Population de Sardaigne: Emery, 1898:135 signale une forme petite, jaunâtre avec de petites épines et la tête lisse. J'ai une petite ouvrière de Sardaigne (Lenoir leg.) à tête très lisse, avec une plage lisse sur le dos, assez claire, indép = 1,20; elle semble se rapprocher davantage des petites specularis de Calabre que des formes de Corse.
T. exilis creticus (Forel, 1910). Ile de Crète.
T. exilis darii Forel, 1911. Smyne, Turquie.


suite part 2
Répondre

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 14 invités